mercredi 27 juin 2007

Pur regard

Le paradoxe de la pratique spirituelle, c'est qu'il n'y a rien à faire! Ce qu'on recherche précède et alimente la recherche. Le propre du regard spirituel est de ne pas rechercher quoi que ce soit de matériel, de mental ou même de «spirituel». Dès qu'on cherche quelque chose, c'est le connu qu'on tente de reproduire; le connu qui n'est qu'apparence du réel. Voilà pourquoi la Tradition insiste sur «l'abandon», sur le «détachement», qui sont en fait de l'équanimité. Ce n'est pas qu'on ne doive rien faire; c'est simplement qu'on cesse de personnaliser les efforts. À un moment, un certain parfum nous envahit et nous n'avons alors plus d'autre choix que de nous engager toujours plus profondément dans l'exploration de l'espace d'où émane ce parfum...

Soyons précis: aucun être humain ne peut entreprendre cette recherche sans porter en lui le désir intense de voir toute souffrance s'éteindre. Au départ, il y a toujours sujet, intention, but, direction, chemin. Mais si l'on a par la suite la chance de recevoir une information juste, alors une détente s'installe et le sujet-intention s'estompe, tout comme l'allumette disparaît dans le feu qu'elle a servi à allumer. C'est quand on maintient l'idée de sujet, avec son but, son idéal, ses obstacles, ses techniques, ses écoles, ses autorités et ses systèmes, que le paradoxe devient réel et s'enracine, parfois jusqu'au ridicule. Pourquoi sacrifier tant de temps et déployer tant d'efforts à réarranger le mobilier de la grande salle de bal du Titanic, qui est en train de sombrer?

L'équanimité est un regard non personnel, non duel. Le sage Patanjali nous dit, dans ses Sutras sur le Yoga: « L'équanimité est l'état de conscience triomphant de celui qui s'est affranchi des buts dans ce monde et dans l'autre». Voilà l'essence de la vision non duelle. Quand on tente d'appréhender l'Être à partir du devenir, c'est-à-dire en se prenant pour quelqu'un, avec tout ce que cela comporte, l'Être en tant qu'Être se retire...

La vision non duelle n'est pas un jeu pour quelques privilégiés. C'est notre héritage à tous. L'extinction de la souffrance passe par cette reconnaissance directe de « ce qui est ». Cela implique la capacité de n'être que regard sans intention, sans explication. Cette puissance d'attention permet d'accueillir sereinement les émotions, les désirs et les pensées en psalmodiant «Il y a l'Être». Toutes ces modifications du Regard sont accueillies dans leur nature véritable, qui brille alors en toute clarté: Pur Regard. C'est dans ce désencombrement total que souffle le vent de la silencieuse paix du ravissement resplendissant.

Jean Bouchard d'Orval

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